Qu’on soit au Québec ou ailleurs dans le monde, les chiffres ne mentent pas. Les motocyclistes impliqués dans un accident mortel sont majoritairement responsables.
09 décembre 2020
Par Martin Veilleux, collaboration spéciale Moto Pro FMQ
-Joe Biden est le nouveau président des États-Unis!
-Un vaccin pour la COVID-19 a été développé et sa production a débuté!
-Dans les 2 premières années d’un changement de monture, peu importe l’expérience du motocycliste, il a plus de risque d’avoir un accident que celui qui possède sa moto depuis plus de 24 mois ! Faudrait-il payer plus cher d’assurances à ce moment-là?
-Statistiquement, les motocyclistes impliqués dans un accident mortel sont majoritairement… RESPONSABLES!
Là, à la lecture de cette dernière phrase, je viens déjà de recevoir des tomates au visage!
Vos arguments sont prêts, je le sens! Moi, le premier, lorsque je lisais que les décès de motocyclistes étaient en majorité dû à la faute de celui-ci, je montais aux barricades. J’ai donc décidé de m’intéresser en profondeur sur le sujet en discutant avec des gens du milieu, en prenant connaissance de recherches, de synthèses, de statistiques, etc.
Qu’on soit au Québec ou ailleurs dans le monde, les chiffres ne mentent pas. Certains dirons qu’on peut leur faire dire ce que l’on veut mais des faits demeurent et jouer à l’autruche ne nous mènerait à rien.
Voici les faits qui ressortent de toute cette recherche personnelle, moi qui suis un fervent des motos sports depuis 1987, des motos que la SAAQ dit « à risque ».
D’entrée de jeu, les chiffres que vous verrez dans ce texte ne concernent que le Québec. Ils ont été extraits d’un rapport que vous pouvez retrouver en ligne sur le site de la SAAQ: RAPPORT DU COMITÉ D’ANALYSE DES ACCIDENTS MORTELS IMPLIQUANT DES MOTOCYCLISTES 2013 À 2016.
Comme je l’ai mentionné, on retrouve à peu près les mêmes pourcentages ailleurs dans le monde.
Voici donc ce qui ressort de tout cela :
Cette analyse ne tient pas compte des cyclomoteurs, des motos hors route (motocross), des VTT ou de décès survenus lors de courses sanctionnées. Cependant, elle inclut les motos de type SPYDER et Tryke qui, pourtant, demandent une classe 6 E, classe qui exige d’être titulaire d’une classe 5 (véhicule de promenade) et d’aller suivre une formation de 7 heures (théorique et pratique) suivi d’une évaluation d’une heure. Dans ce rapport, parmi les 189 décès survenus entre 2013 et 2016, 5 prenaient place sur une moto à 3 roues. Une autre victime est décédée à bord d’un Campagna T-Rex, immatriculé aussi comme une moto!
Dans la majorité des cas, on retrouve des hommes au guidon. 154 hommes versus 15 femmes étaient au guidon de la motocyclette. Les 20 autres décès, ce sont des passagers qui sont les victimes. Les femmes représentent 15% des gens ayant une classe moto et on retrouve 8,9% qui sont décédées parmi le tragique événement.
Parlons maintenant de tranches d’âges qui sont le plus touchées. Les tranches 45-54 et 55-64 ans sont exæquo à 21,2% suivi de très près par le groupe 25-34 ans à 20,6%. (40 décès pour les 2 premiers groupes et 39 pour le dernier). Ceci nous donne une moyenne d’âge de 44,7 ans. Maintenant, si nous appliquons le type de moto impliquée, les chiffres s’avèrent révélateurs. En effet, la moyenne d’âge des gens au guidon d’une moto dite régulière par la SAAQ est de 49,1 ans alors que les motos dites à risques, la moyenne d’âge est de 32 ans.
Ces chiffres sont impressionnants mais ils ne tiennent pas compte du nombre de motocyclistes dans chacune de ses catégories. Quand on tient compte de ce facteur, ça devient très intéressant car en regardant les tranches 16-19; 20-24 et 25-34 ans, là, le constat est flagrant. Les 16-19 représentent 0,1% des titulaires de classe moto mais ils sont 1,1% des gens décédés. C’est ÉNORME! Chez les 20-24, ils représentent 1,3% des conducteurs de motocyclettes mais quand on regarde le bilan des décès, ils sont 9,9% des personnes impliquées dans un accident entrainant au moins un décès! Pour les 25-34 ans, malgré qu’ils ne représentent que 7,6% des gens ayant la classe moto, ils sont impliqués dans 20,9% des morts. En comparaison, la classe 45-54 ans représente 27,8% mais ils ne sont que 20,9% des gens impliqués dans un accident. Pour les 55-64 ans, ils sont 36,6% des motocyclistes sur nos routes mais leur ratio dans le nombre de décès est de 19,8%. En gros, nos jeunes sont surreprésentés dans le portrait des décès.
Si on parle de surreprésentation, encore une fois, les chiffres ne sont pas favorables aux motos « dites à risque » par la SAAQ car, malgré le fait qu’elles ne représentent que 3,4% du parc motocyclette sur nos routes, on retrouve dans le nombre de décès, 25% de motocyclettes de cette catégorie.
Je me permets ici une corrélation : Plus jeune, plus fou, moins d’expériences et une attirance vers le côté sportif des véhicules, d’où une possible surreprésentation de ce type de moto. Mais allons plus loin dans le rapport en question.
Je viens de souligner l’expérience. Soyez prêt aux prochains pourcentages car ils frappent fort. Sur les 189 décès de ce rapport, 41 conducteurs, soit 23,2% sont titulaires depuis MOINS de 2 ans! Si on va plus loin, 14,7% (26 conducteurs) ont leur permis depuis plus de 2 ans mais moins de 5 ans! 37,9% des 189 décès ont leur permis depuis moins de 5 ans. Si nous regardons en termes de % de titulaires de la classe moto, les moins de 2 ans représentent seulement 4,9% alors que les 24-60 mois représentent 9%. Ils sont donc surreprésentés dans le portrait global. À noter qu’on ne parle pas de l’âge du conducteur ici. Donc, la personne de 45 ans qui va chercher son permis se retrouve dans cette statistique.
Prenons ceux et celles ayant bénéficiés de la « clause grand-père » (ceux ayant obtenu la classe 6A sans cours et sans examens). On parle de ceux ayant obtenu leur permis avant août 1978. Encore une fois, les chiffres font mal : ils représentent 24,39% des gens impliqués dans un accident mortel. Ils sont quand même 36,2% des titulaires de permis de conduire motocyclette.
Une conclusion facile à la lecture de ces chiffres : formations et encadrement seront nécessaires si l’on souhaite améliorer le bilan routier au Québec tout comme ailleurs.
Une autre statistique qui n’aide pas ma catégorie fétiche : 78,6% des conducteurs de moto à risque impliqués dans un accident étaient propriétaire depuis moins de 2 ans. Et la moitié d’entre eux étaient propriétaires depuis moins de 6 mois de leur belle monture.
Allons voir maintenant les motos dites régulières. Les propriétaires de moins de 2 ans impliqués dans un accident mortel sont au nombre de 53,4%. Je me permets encore un commentaire : la catégorisation de la SAAQ a des lacunes, c’est certain! À titre d’exemple, une Yamaha R6 (600cc) développe 130hp et est dans la catégorie à risque alors qu’une Aprilia Tuono de 1100cc développe 175hp mais est considérée « régulière »! L’encadrement s’avère donc nécessaire ainsi qu’une abolition des catégories de motos, qu’en pensez-vous? La SAAQ devrait prendre en compte l’âge et l’expérience des conducteurs et ils sont bien placés pour savoir si un individu a immatriculé une moto.
Le rapport a établi que les décès ont eu lieu principalement et dans cet ordre, le samedi, le dimanche et le vendredi en raison de 22,2%; 20,6% et 14,8% respectivement. L’accident arrive principalement entre 17h et 17h59 en raison de 12,2% et entre 15h et 15h59 pour 11,6%. Dans 79,4% le décès survient de jour en moment de clarté. C’est en Juillet (23,8%) et août (22,2%) qu’on retrouve le plus grand nombre de décès. Dans 83,1% des cas, le décès est survenu par temps clair (aucune précipitation et pas nuageux).
Dans 65,1%, l’accident a eu lieu en milieu rural. La surface de la route était sèche dans 94,7% des cas. Encore plus inquiétant, 45,5% des accidents ont eu lieu en ligne droite et terrain plat alors que 27,5% ont eu lieu en courbe, aussi ayant un terrain plat!
Alors que 52% des accidents ont lieu à une intersection pour l’ensemble des véhicules, 56,6% des accidents de motos ont lieu à 100m ou plus d’une intersection contre 19,6% à moins de 5m de celle-ci. Encore une fois, je m’inquiète à ce sujet.
Les zones de 90km/h représentent 39,7% des endroits où l’accident a eu lieu. La zone de 70km/h suit avec 18,5% et la zone de 50Km/h avec 16,9%.
Encore plus inquiétant maintenant, dans 48,9% des cas, un seul véhicule était impliqué dans l’accident et c’était la moto! Et selon le rapport, dans 88,8% des cas, le conducteur de la moto est le fautif. D’autres études démontrent exactement la même chose : le motocycliste était seul en cause et n’impliquait pas d’autres véhicules.
Un cours de perfectionnement au 2 ans pour une centaine de dollars, êtes-vous partant? Dans 40,7%, un second véhicule a été impliqué. Quand il y a un second véhicule en cause, dans 85% des cas, l’autre véhicule tournait à gauche ou allait tout droit. Les autres usagers de la route ont eu aussi leur part de responsabilités.
Voici les causes révélées à travers les accidents à la lumière des rapports de coroners et des policiers:
Selon le type de moto lorsqu’il y a un second véhicule d’impliqué et qu’il y a un conducteur d’une moto dite régulière, la responsabilité de l’autre véhicule est plus élevée que lorsqu’il s’agit d’une moto dite à risque. 59,7% vs 26,1%.
Quand c’est le pilote d’une moto dite à risque qui est impliqué avec un second véhicule, le conducteur de la moto est responsable dans 52,2% des cas vs 23,9% pour le conducteur d’une moto régulière.
Mais il y a pire, il est ressorti de cette étude un problème de facultés affaiblies!!!??? En 2021, nous avons certains conducteurs qui n’ont pas encore compris que conduire et facultés affaiblies NE VONT PAS ENSEMBLE, surtout quand on conduit une moto où l’équilibre est la clé du succès et que le fait de consommer alcool ou drogues affecte directement votre équilibre et donc votre conduite! Sur nos 189 cas, 38 personnes étaient intoxiquées par l’alcool. 14 sous la limite permise de 80mg/100ml de sang mais quand même 23, au-dessus. Mais quels sont les groupes d’âge les plus irresponsables : nos 35-44 ans avec 31,6% et 45-54 ans avec un beau 28,9%. Les 16-19 sont… à 0%. La sagesse vient avec l’âge? Vraiment? Et les accidents ont eu lieu principalement entre 20h et 6h du matin.
Présence de drogue (j’inclus le cannabis) ou de médicament, ce sont 20 personnes que l’on retrouve dans ces statistiques. Au total, on parle de 59 personnes décédées qui étaient sous l’influence de substances! Plus de 30%. Décourageant!
Les auteurs du rapport ont fait l’analyse de responsabilité et dans 182 accidents, le motocycliste est responsable de l’accident dans une proportion de 59,3%. Pour ce qui est de 7 autres cas, la responsabilité a été définie comme « autre élément ». Cinq ont eu un accident avec un animal et les deux autres, la responsabilité incombe à une mauvaise signalisation/gestion en zone de travaux.
Pour conclure, le rapport émet un constat indéniable : lors d’un accident, un motocycliste est plus vulnérable qu’un automobiliste car il a moins de protection. Il est aussi plus petit, donc moins visible. Ils disent que les compétences, les habiletés et le comportement du conducteur d’une motocyclette jouent un rôle important dans sa sécurité.
Il faut donc être bien protégé, s’assurer que l’on nous voit et être en maitrise de notre monture.
Ma conclusion : le conducteur se trouve au cœur de la solution. S’il prend ses responsabilités et réalise que piloter une motocyclette, ce n’est pas banal, ses chances de survie sont excellentes. Dans le cas contraire, il s’expose malheureusement à faire partie des statistiques négatives.